Jongler entre deux rives
Comment fait-on quand on est une personnalité politique française née dans la rive sud de la méditerranée ?
Certains comme Dominique de Villepin, l’ancien premier ministre qui est né à Rabat, ont fait le choix de ne jamais évoquer le sujet. Pour eux, leur naissance c’est en quelque sorte un hasard de la géographie. D’autres comme le défunt président de la Cour des Comptes Philippe Séguin, né à Tunis, ont démontré un profond attachement au sol qui les a vus naître quitte à fermer parfois les yeux sur les exactions commises par son régime. Lire la suite ...
Ca se complique quand on est ministre dans un gouvernement français et, plus est , en charge d’exécuter une politique stigmatisant les immigrés et les compatriotes d’origine étrangères dont beaucoup sont justement originaires du pays sa naissance.
On se souviendra du passage d’Eric Besson, ministre de l’immigration de l’identité nationale et du reste dans l’émission politique animée par Arlette Chabot sur France 2 « A vous de juger »,. On se souviendra du nombre de fois où il s’est senti obligé de répéter « Ma mère est méditerranéenne » ou « j’ai grandit au Maroc » comme si ces deux éléments excuseraient sa politique anti-immigration et le désastreux débat sur l’identité nationale qu’il avait lancé.
En tout cas au Maroc Personne ne s’ y est trompé et le ministre est même élevé, dans son pays de naissance, au rang de symbole de « cette France qu’on n’aime pas» en témoigne cette Une de l’hebdomadaire marocain Actuel.
Il y a plus compliqué. Comment s’adresser et dire son affection aux citoyens de son pays de naissance, alors qu’on est considéré par eux comme l’« oppresseur » de leurs ressortissants vivant en France ? On fait comme Eric Besson dans son long entretien à Maroc Hebdo de cette semaine. Faire usage de beaucoup de langue de bois pour rappeler, encore et encore, la circonstance censée être atténuante, qu’est le fait d’être né au Maroc. Genre, je cite le ministre, « Au Maroc je me sens chez moi » ou encore « le Maroc et moi, c’est un art de vivre, un attachement, une hospitalité et des valeurs... La qualité de l’accueil des Marocains... Cette gentillesse, ce don et cette hospitalité naturelle » ou plus cliché « la dernière fois que je suis parti au Maroc, j’ai pris deux kilos et demi en trois jours. C’est que je ne peux résister au couscous, cornes de gazelles, thé à la menthe et autres saveurs marocaines. ». Je vous laisse découvrir l’exotique interview .
La complexité de la situation monte d’un cran lorsque à l’initiative du pays d’origine on est obligé d’accepter un poste qui nous met dans une situation intenable. C’est le cas de Najat Belkacem qui n’est pas ministre mais adjointe au maire PS de Lyon et porte-parole de Ségolène Royal. Le roi Mohammed VI, l’a nommée membre du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger où elle siège, officiellement mais très discrètement, pour représenter et défendre les intérêts des … « Marocains résidant à l’Etranger » (sic !)
A croire qu’il faut être une Rachida Dati pour gérer tout. L’ancienne ministre française de la Justice a adopté une stratégie toute en finesse. Selon qu’elle est au Maroc ou en France, elle n’est pas la même personne. En France, elle est « française d’origine française » et basta ! On se souviendra de sa réplique au journaliste Claude Askolovitch qui l’interrogeait sur « le fait d’être d’ailleurs », sa réponse fût cinglante « Je ne viens pas d’ailleurs. Je suis née à Saint-Rémy, Saône-et-Loire ». Au Maroc c’est tout le contraire. Invitée, la semaine dernière, par la radio marocaine Chaîne Inter , Mme Dati ne tarit pas d’éloges sur ses origines marocaines « Ce sont mes origines qui font ma force » a-t-elle dit et redit. Comme ça tout le monde est content !
La moralité de l’histoire ? Le débat franco-français est souvent meublé par des polémiques sur les jeunes de banlieue qui sont déchirés entre leur pays d’origine, ou celui de leurs parents, et entre la France. Ce qu’on oublie, c’est que ce n’est jamais évident même lorsqu’on est ministre ou homme politique chevronné. La seule différence c’est que contrairement aux jeunes, les hommes politiques, eux, savent en jouer en fonction des interlocuteurs et des contextes.
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